
Le tabac est le deuxième facteur responsable des accidents cardio-vasculaires. Être coureur-fumeur augmente les risques. Deux experts expliquent pourquoi et donnent leurs conseils pour éviter « la casse ».
Avant de devenir tabacologue à Paris, Alice Denoize fumait. Beaucoup. Un paquet par jour en moyenne. Ce qui ne l’a jamais empêchée de faire du sport. « J’ai eu une phase maniaque où je faisais du step à outrance » raconte-elle. Elle a aussi pratiqué la natation. « Et la cigarette de l’après effort était la meilleure. C’était vraiment n’importe quoi. »
Désormais, elle accompagne les fumeurs dans leur démarche d’arrêt. Face à elle, certains se rassurent : « je fume mais je fais du sport, ça compense. » C’est un leurre, leur explique-t-elle. « Tabac et sport sont totalement antinomiques », assène à son tour le cardiologue Daniel Thomas, également porte parole de la Société francophone de tabacologie.
C’est pire pour les sportifs
Fumer quand on fait du sport serait même pire que « simplement » fumer. « Le tabac agit sur la coagulation, en formant des caillots dans les artères, poursuit-il. Ainsi que sur la capacité de nos vaisseaux à se contracter. Les fumeurs ont donc une incapacité relative à dilater leurs artères pendant l’effort là où, justement, ils en ont le plus besoin, pour augmenter le débit d’oxygène. » Ce phénomène est responsable d’accidents cardio-vasculaires, comme les infarctus, souvent à un âge où on ne s’y attend pas.
L’argument qui pourrait convaincre est que la cigarette diminue le confort, la compétitivité, la performance. Le cardiologue explique : « Le monoxyde de carbone dans le sang prend la place de l’oxygène sur les globules rouges. » Un coureur gagnerait en temps, en vitesse et en aisance s’il arrêtait de fumer. Voilà une information motivante dont il faudrait faire son étendard.
Quand arrêter ?
Pour arrêter, le plus tôt possible reste le mieux. Alice Denoize rappelle que « c’est vraiment 3 semaines après l’arrêt qu’on expectore plus, que les bronches se nettoient et éliminent davantage. L’idéal serait d’arrêter au moins un mois avant pour que le gros du ménage soit fait et qu’on n’ait pas les bronches encombrées pendant la course. »
Pendant ses consultations, elle essaie surtout de ne pas culpabiliser. « Il faut prendre en compte la réalité du fumeur. Une addiction reste une addiction. On ne peut pas toujours arrêter parce qu’on prépare un marathon. » Alors, comment faire ? Les « 10 commandements du sport » du Club des cardiologues du sport affiche en règle n°7 : « Je ne fume pas, en tout cas jamais dans les 2 heures qui précédent ou suivent ma pratique sportive. » Mais en vérité, « il faut au moins 8 heures au corps pour éliminer le monoxyde de carbone, note Dr Daniel Thomas. On conseille généralement de ne pas fumer 24 heures avant l’effort ». La tabacologue complète : « On peut s’appliquer un patch. On peut faire du sport avec. Il suffit juste de bien le fixer car il peut se décoller avec la transpiration. »

sont directement comblés par du monoxyde de carbone. © Alf Van Beem
La cigarette électronique peut aussi aider. « Elle ne présente pas de combustion donc pas de monoxyde de carbone. A condition d’être vapoteur exclusif. A la limite, le sujet qui n’a pas réussi à arrêter de fumer avant son marathon et qui se mettrait à la cigarette électronique exclusivement, se protège. », conseille le cardiologue. « Mais entre nous, quelqu’un qui est fumeur et qui veut faire un marathon, je vais le dissuader de faire sa course. Car il court vraiment un risque. »